Préface
Vu de Belgique
Michel Defourny
Chargé de mission
Service général des Lettres et du Livre
de la Communauté française de Belgique
À la lecture des études rassemblées par Flore Gervais et Monique Noël-Gaudreault, dans le
volume epOs 1, l’observateur extérieur que je suis ne peut qu’être impressionné par
l’intérêt des travaux universitaires québécois sur le conte et la légende ainsi que
sur le roman pour adolescents. En quelques années, c’est une véritable école
universitaire canadienne francophone qui s’est développée ; elle s’est nourrie –
communauté de langue oblige – de la réflexion des théoriciens français comme Gaston
Bachelard, Gérard Genette, Algirdas Julien Greimas, ou Vincent Jouve ; elle
s’est enrichie – proximité géographique oblige – de concepts élaborés par ses
voisins anglophones – ainsi en est-il, par exemple, de la notion de « Home »,
totalement ignorée en France ou en Belgique. Dans ce collectif, elle s’impose par
l’originalité et la diversité des points de vue sur la nature et la fonction des espaces
identitaires, tant dans la production romanesque destinée aux jeunes adolescents
d’aujourd’hui que dans les réécritures contemporaines de contes et de légendes
traditionnels.
À ce propos, par-delà les orientations méthodologiques de ces travaux, le
lecteur francophone, qu’il soit de France ou de Belgique, se sent interpellé par
la richesse et le dynamisme d’une littérature à laquelle, curieusement, il n’a
guère accès, en dépit d’une communauté de langue et malgré les facilités de
circulation actuelles. En effet, comment expliquer que des auteurs aussi singuliers et
féconds que Raymond Plante, Michèle Marineau ou Sylvain Trudel étudiés
parmi d’autres dans ce recueil soient si mal diffusés et dès lors peu familiers
sur l’autre rive de l’Atlantique ? Comment ne pas s’interroger, d’autre part,
sur la méconnaissance, en France et en Belgique, du patrimoine traditionnel
du Québec, en ces décennies où nous sommes confrontés au phénomène du
néocontage ?
Le moment ne serait-il pas venu de développer, avec le soutien des pouvoirs publics,
une réelle politique qui favorise à la fois la circulation des œuvres, des auteurs et des
chercheurs, entre pays francophones ? Puisse le rayonnement de ce recueil y contribuer.