Préface
Métamorphose du héros :
des contreforts de l’Olympe aux ruelles de banlieues
Françoise Lepage
Université d’Ottawa, Canada
fralepage@yahoo.com
Depuis la plus haute antiquité, les mythes et les épopées ont exalté le courage et les
vertus du héros. Considéré comme un demi-dieu à l’époque hellénistique, il a parcouru
un long chemin jusqu’à nos jours. De siècle en siècle, il a dévalé les contreforts de
l’Olympe pour s’installer dans les ruelles des banlieues urbaines, troquant la toge et la
couronne de lauriers pour le jeans et la casquette à visière. Après avoir été un intrépide
guerrier, tel Achille dans L’Iliade d’Homère, le héros médiéval a fusionné en lui les
vertus du combattant et celles du saint. Dans La chanson de Roland (1993, 245–249),
le héros éponyme est bien sûr un guerrier, mais c’est aussi un saint, comme
l’atteste l’épisode de sa mort. Lorsqu’il tend son gant vers le ciel, l’archange
Gabriel vient s’en emparer, montrant ainsi que l’âme du héros fait son entrée au
paradis.
Rejetant les valeurs médiévales, l’artiste de la Renaissance rétablit les divinités
païennes et implore dame Fortune de lui donner accès, à titre individuel, aux biens de
ce monde : l’amour, la richesse et la gloire. Perdant leur origine divine, les héros
renoncent à la perfection. Ronsard déjà, dans ses Hymnes, utilise le mot « héros » pour
désigner simplement un être de grande valeur, et c’est bien de lui-même, être imparfait
et instable, ainsi qu’il se définit, que Montaigne entend parler dans ses Essais (1962, III,
2, 782 s.).
Chaque époque façonne le héros conformément aux valeurs qui lui sont chères. Au
XVIIe siècle, Corneille privilégie les héros qui maîtrisent leurs passions et mettent
leur énergie au service d’une noble cause, malgré l’acharnement d’un destin
contraire. Très moderne pour son temps, Boileau déjà recommande de donner
quelques faiblesses au héros afin que l’on reconnaisse en lui « la Nature »
(Boileau, 1963, v. 107–108). C’est aux romanciers du XIXe siècle qu’il reviendra de
faire descendre définitivement le héros de son piédestal. Philippe Hamon a
montré ce que le roman doit au mouvement littéraire naturaliste, en particulier à
Émile