Zola. Dans son désir de faire du roman un lieu d’expérimentation servant
à montrer qu’un contexte social donné détermine inévitablement les mêmes
conséquences humaines, Zola clame que « la beauté de l’œuvre n’est plus dans le
grandissement d’un personnage, [. . .] elle est dans la vérité indiscutable du document
humain. »1
Dans la première moitié du XXe siècle et dans le sillage des travaux de Freud et du dévoilement de la psychologie des profondeurs, le héros « ordinaire », considéré dans un contexte quotidien, se révèle psychologiquement intense ou perturbé dans les romans d’auteurs comme Julien Green ou Georges Bernanos. Puis, à partir des années 1950, le nouveau roman se fait le fossoyeur du héros traditionnel et de sa spécificité psychologique : « Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l’apogée de l’individu. » (Robbe-Grillet, 1963, 33). Le nouveau roman remet en cause le projet mimétique du roman traditionnel : la psychologie des personnages et l’intrigue passent au second plan, laissant la vedette à l’écriture, la forme important plus que le fond. Si l’on considère la littérature québécoise pour la jeunesse depuis ses origines, on constate qu’elle a offert aux jeunes lecteurs une vaste gamme de héros, miroirs de l’idéologie dominante à chacune des époques qui les ont vus naître. Aux héros guerriers et pieux des romans épiques de Marie-Claire Daveluy et de Maxine, reflets du nationalisme de Lionel Groulx, sont venues s’ajouter les biographies plus ou moins romancées des saintes et saints fondateurs et les héros missionnaires dont la gloire s’est maintenue pendant toute la durée de la suprématie de l’Église. Puis, dans les années 1960, les héros aventuriers ont ouvert le roman pour la jeunesse sur le Nord (Yves Thériault), sur l’espionnage international (Maurice Gagnon et Yves Thériault) et sur des galaxies plus ou moins hostiles (Rolande Lacerte, Suzanne Martel). Presque simultanément, des romancières comme Paule Daveluy et Monique Corriveau mettaient en scène des jeunes dans leurs activités quotidiennes (L’été enchanté ou Le garçon au cerf-volant). Toutefois, les héros de Monique Corriveau demeurent proches de la perfection. Il faut attendre le renouveau du roman pour la jeunesse des années 1980 pour que le héros devienne cet enfant bien ordinaire auquel le jeune lecteur peut facilement s’identifier3
Consacrés à la représentation du héros et de l’anti-héros dans la littérature pour la jeunesse, les articles qui composent le présent collectif mettent tous en lumière l’intention formatrice qui anime les auteurs pour la jeunesse. Ainsi, David, le protagoniste de la série du même nom, due à François Gravel, apparaît le plus souvent comme un anti-héros. Sophie Michaud, qui se penche sur ce personnage, relève |