hypermodernité qui laisse place aux contradictions dans la mesure où les
déterminations du personnage obligent à une réévaluation de la critique formulée à
l’endroit de la fillette imbue de son apparence. À travers Rosalinde, le lecteur peut
identifier les qualités de l’être hypermoderne à la fois « critique et superficiel ».
Quoique Rosalinde incarne l’éternel féminin à maints égards, elle apprend à
s’exprimer autrement que par son physique lorsqu’elle articule un point de vue
lucide au sujet de la situation familiale de Laurence. Bien que définie d’abord
comme une séductrice en devenir, la fillette est en mesure de démontrer de
l’empathie.
3.2 La morale hypermoderne et les amitiés féminines
La trilogie romanesque reproduit un féminisme qui valorise les amitiés féminines
réunissant des êtres dépareillés, de sorte que les différences y sont mises en valeur.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un discours féministe désincarné qui met entre parenthèses
la conscience de l’autre et d’un contexte social. Laurence et Étamine sont de très bonnes
amies, quoique très différentes : Laurence est une jeune fille sérieuse et responsable,
tandis qu’Étamine est excentrique et originale. Pourtant, elles parviennent à échanger et
à se comprendre, comme l’expose l’instance narrative : « Elle n’est pas commode,
Étamine. Mais elle sait ce qu’elle veut. Et avec elle à table, je deviens un peu une
jumelle, moi aussi. Une jumelle non identique. » (1998, p. 31) Le syntagme
« jumelle non identique » utilisé par la jeune narratrice pour décrire son rapport à
Étamine est révélateur d’un discours hypermoderne qui admet les différences
tout en valorisant la complicité et la solidarité. Aussi, lorsque Laurence est
punie par sa mère, sa compagne tente de l’aider en faisant appel à toute la
classe : « Le lendemain, Étamine avait réuni la troupe sous le grand chêne de la
cour de récréation pour trouver une solution au problème. » (1998, p. 73)
Par ailleurs, Laurence et sa famille apportent une stabilité à la fillette, d’où le
chagrin de celle-ci au moment où elle s’apprête à partir en voyage : « Quand
j’étais en famille d’accueil, ça m’était bien égal de partir. Maintenant, ça me
fait une boule dans l’estomac. » (1999, p. 10) Les différences existant entre
les gamines semblent être une source d’émancipation au sein de leur relation
d’amitié. Une telle conception rejoint celle énoncée par Audre Lorde dans Sister
Outsider :
La différence est ce lien fondamental et puissant à partir duquel se forge
notre propre force. […] En tant que femmes, nous avons été éduquées soit à
ignorer nos différences, soit à les considérer comme des motifs de division
et de méfiance plutôt que comme des forces de changement. (Lorde, 2003,
p. 121)
Or, l’amitié qui se développe entre Laurence et Étamine constitue une véritable force de
changement. Les deux filles qui apprennent à s’entraider et à coopérer voient leur réalité
se transformer. Grâce à Laurence, Étamine apprend à corriger ses fautes de
français : « [Étamine] m’a tendu sa feuille : elle écrivait sur du papier vert fluo,
en plus! […] j’étais contente qu’elle veuille mon aide. » (1997, p. 35) Quant à
Laurence, elle compte sur les conseils et l’expérience d’Étamine pour clarifier des
situations ambiguës et se débarrasser de ses complexes de culpabilité : « Seule
Étamine aurait pu me tirer de ce mauvais pas. » (1999, p. 29). Après avoir
rapporté à sa mère le vol qu’a perpétré l’un de ses amis à l’épicerie familiale,
Laurence est