Ne touchez pas à
ma Babouche ;
Babouche est jalouse ;
Ma Babouche pour toujours ; et
Sauvez ma
Babouche. La seconde comprend des titres aussi évocateurs que ceux de :
Petit
Chausson, grande Babouche ;
Pas de Chausson dans mon salon ;
Pas de prison pour
Chausson ;
Mon cher Chausson.
Dans la première séquence, l’auteur met en scène « Babouche », une vieille chienne
que notre jeune héros de neuf ans a prise comme confidente depuis la mort de son père
survenue à la suite d’un accident d’auto sur une route enneigée. Carl vit seul avec sa
mère Nicole. Introverti, sans bonnes notes à l’école, nul en sport, il dégage une odeur de
mouffette ; il est la risée de la classe et le souffre-douleur de Garry, qui tient à se faire
remarquer en jouant le bouffon ou le dur pour oublier que son père est en prison. Le
comportement de Garry changera lorsque son père reviendra à la maison. Il deviendra
alors le meilleur ami de Carl, mais en attendant, Carl aura à subir, à l’école,
humiliations sur humiliations, amour et déception et, à la maison, un grand deuil : la
mort de sa chienne. Pour s’aider à assumer son départ, il décide d’écrire une
biographie de Babouche au lieu de la faire empailler. Mais ce n’est encore qu’un
projet.
Dans la seconde séquence, qui se déroule durant l’année qui suit la mort de la chienne,
l’auteur fait entrer dans la vie de Carl un nouvel animal. Il s’agit de Chausson, le chien
de Garry. Ce dernier lui offre d’en partager la garde, afin de l’aider à faire son deuil.
Malgré la bonne intention, la garde partagée ne s’avère pas aussi efficace que prévu.
Le jeune chiot, par sa maladresse (il se prend dans une cage à homard), sa
fragilité (il est malade en auto), son air innocent (il semble ne comprendre
aucune consigne), ne fait que rappeler à Carl combien sa Babouche, elle, était
extraordinaire. De plus, à cause de la garde partagée, il voit sa maison envahie
régulièrement par Garry qui vient porter et chercher le chien et par René,
père de Garry, qui semble s’intéresser davantage à sa mère. Il ne peut plus
écrire sa biographie en paix. De plus, sa mère critique le ton trop enthousiaste
qu’il adopte pour décrire sa chienne. Finalement, après une énorme crise de
soupçon et d’angoisse qui se dénoue à la suite d’une vraie conversation avec
sa mère, Carl finit par accepter à la fois le chien et le père de Gary comme
substituts : le premier de sa vieille chienne décédée, le second de son propre
père.
Après ce bref aperçu des événements qui tissent la trame de la vie de Carl sur une
période d’un an, voyons dans quelle mesure les repères du héros, qu’il s’agisse des lieux
qu’il habite ou des figures parternelles qu’il adopte (ou qu’il refuse), reflètent son
ambivalence ou participent de son évolution.
Les repères
Tout d’abord, pour clarifier ce que nous entendrons par le mot « repère », nous nous
référerons au Petit Robert, à l’entrée Point de repère : « Objet ou endroit précis,
reconnu et choisi pour se retrouver ». Cependant, nous ne limiterons pas notre
définition aux objets inanimés. En effet, outre les lieux, nous y associerons un être
animé, le père. Comme l’exploitation de l’image du père s’avère passablement nouvelle
dans la littérature de jeunesse de la fin du XXe siècle (Le Brun, 1992 ; Noël-Gaudreault,
1994), il nous a semblé intéressant de voir comment l’auteur a choisi de faire
entrer le jeune héros en relation avec cette figure parentale. Pour