Tribulations et triomphes :
le parcours du héros chez Gilles Tibo
Claire Le Brun
Département d’études françaises
Université Concordia, Montréal (Québec)
lebrunc@alcor.concordia.ca
Résumé
Illustrateur québécois de renommée internationale, Gilles Tibo commence
en 1996 une carrière de romancier pour la jeunesse avec Le secret de
madame Lumbago, qui remporte le prix du Gouverneur général du Canada.
Dix ans plus tard, cet auteur prolifique a publié une centaine de titres.
L’article examine une sélection de séries et de romans destinés à des
lecteurs débutants ou à des lecteurs plus aguerris. Après avoir précisé
le concept de héros, l’analyse suit le parcours des personnages de jeunes
filles et garçons en s’interrogeant sur leurs savoirs (Philippe Hamon) et les
relations que ces savoirs entretiennent chez eux avec le vouloir et le pouvoir
(Algirdas Greimas). Les héros de Tibo se divisent en surdoués, surtout des
personnages féminins, et en handicapés, surtout des personnages masculins.
L’étude s’interroge sur la réception de ces fictions par les jeunes lecteurs, en
s’inspirant des recherches de Vincent Jouve sur l’effet-personnage.
Si l’on examine les trajectoires professionnelles des écrivains pour la jeunesse au Québec,
celle de Gilles Tibo représente un cas de figure bien particulier : un illustrateur reconnu,
dont le travail a été couronné par des prix prestigieux, décide, après vingt-cinq ans de
carrière, de remplacer l’image par des mots ; à son premier essai, Le secret de Madame
Lumbago (1996), il remporte le Prix du Gouverneur général. Comment est née cette
vocation d’écrivain? Selon l’auteur, l’histoire d’une petite fille turbulente, Noémie,
comportait « trop de mots pour un album » (Noël-Gaudreault, 2001, p. 108).
Interrogé sur les raisons qui l’ont fait abandonner le dessin, Tibo répond qu’il voit
désormais ses personnages « de l’intérieur » (Desroches, 1998, p. D37) et se
trouve donc incapable d’en donner une représentation iconique. Il dit aussi se
rapprocher de l’humain quand il commence à écrire (Noël-Gaudreault, 2001,
p. 108). Mais à quoi correspondent, dans la mise en texte, ces