perceptions de
l’auteur sur son travail d’écriture? Quelles sont les stratégies privilégiées par le
romancier pour donner vie à ses nouveaux personnages, faits de mots et non
plus de traits et de couleurs? Nous tenterons d’en mettre quelques-unes en
lumière en dégageant les principales caractéristiques des héros romanesques de
Tibo.
Dispositif d’analyse : corpus et méthode
Depuis 1996, Tibo a publié une centaine de titres au Québec et en Europe (notamment chez
Casterman). S’il semble avoir une prédilection pour le mini-roman et les textes de toute première
lecture1
La collection « À pas de loup » aux éditions Dominique et Compagnie par exemple.
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,
il se taille aussi une place enviable dans le roman pour enfants avec la série
Noémie.
Enfin, il s’est essayé au roman pour adolescents (
La nuit rouge, 1996). Une sélection
s’imposait donc ici : nous avons étudié le parcours du héros dans un choix de romans
pour lecteurs débutants (mini-romans et premiers romans) et de romans destinés à des
lecteurs plus aguerris. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons tenté d’équilibrer la
proportion de héros de séries et de héros de récits uniques. Les romans analysés sont
parus chez Soulières dans la collection « Ma petite vache a mal aux pattes », chez
Québec-Amérique dans les collections « Mini-Bilbo » et « Bilbo », à La courte Échelle
dans la collection « Mon roman fantaisiste », ainsi que chez Héritage et chez
Dominique et Compagnie dans les collections « Mini-roman » et « Roman
rouge »
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Fondée en 1997, la maison d’édition Dominique et compagnie est une filiale des Éditions Héritage.
La collection « Mini-roman » est passée d’Héritage à Dominique et compagnie. De plus, certains
titres publiés chez Héritage dans la collection « Mini-roman » ont été réédités dans la collection
« Roman rouge », lancée en 2000.
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Les mini-romans et premiers romans sont abondamment illustrés : Jean Bernèche,
Hélène Desputeaux, Marie Lafrance, et Stéphane Poulin, entre autres, se chargent de
donner aux personnages leurs contours extérieurs. Faisant exception,
Rouge timide est
illustré par Tibo lui-même.
Parmi les divers fils d’Ariane méthodologiques qui permettent de suivre le parcours du
héros, nous en avons privilégié trois. Nous retenons les quatre savoirs du personnage –
savoir-faire, savoir-dire, savoir-jouir et savoir-vivre –, proposés par Philippe Hamon
(1977, 1984). Ces savoirs contribuent à définir l’étiquette du personnage et indiquent sa
position dans l’axiologie du roman. Les trois types de lecture, correspondant à
autant de manifestations de « l’effet-personnage », distingués par Vincent
Jouve (1992), permettront également d’analyser les stratégies d’écriture de
Tibo. Dans cet ouvrage, l’étude de la réception du personnage romanesque
par le lecteur s’applique, dans ses grandes lignes, aussi bien à l’enfant qu’à
l’adulte. Nous irions même jusqu’à dire que l’insistance de l’auteur sur la lecture
comme façonnement du moi rend d’autant plus cruciales les premières lectures
et légitime notre intérêt pour cette production littéraire. Nous aurons enfin
recours à la classique description du personnage par sa relation aux modalités
« vouloir-savoir-pouvoir » ; ce modèle proposé par Greimas (1970) a été repris par
Hamon et Jouve.