Ces deux citations qui mettent en scène un grand-père (Le nul) et sa petite-fille (La
chipie) nous plongent au cœur de notre propos : le héros, celui qui, généralement, sauve
la vie de personnages en danger, qui relève des défis surhumains, qui agit de
façon extraordinaire. Par ailleurs, celui que nous cherchons à cerner, c’est le
personnage héros présent dans le récit de voyage contemporain. À cette fin,
nous examinerons, dans un premier temps, la place occupée par ce personnage
héroïque, au fil des siècles, pour nous attarder, en fin de piste, à deux cas de figure
contemporains présents dans deux récits de voyage fictionnalisés. Il s’agit de
Catherine, personnage héroïque dans
Lettre de Chine de Guy Dessureault,
publié aux Éditions Pierre Tisseyre, en 1997, dans la collection « Conquêtes
drame » et de Clara Vic, personnage héroïque dans
Bibitsa ou l’étrange voyage du
chien de Clara Vic de Christiane Duchesne, paru en 1991, aux éditions Québec
Amérique jeunesse, dans la collection « Gulliver ». À leur façon, ces deux exemples
illustrent la distance subie par le personnage héros dans le récit de voyage
québécois destiné aux jeunes depuis
Les aventures de Perrine et de Charlot, roman
historique qui relate l’expédition de deux jeunes orphelins partis de France pour la
Nouvelle-France.
Dans un second temps, nous nous interrogerons sur ce qu’il faut comprendre par récit
de voyage destiné aux jeunes. À cette fin, nous dégagerons quelques caractéristiques de
ce genre littéraire. Ainsi, pour mieux comprendre les deux personnages retenus, nous
examinerons plus attentivement le genre précité pour mieux cerner les spécificités des
deux héroïnes sélectionnées.
1. Évolution historique du personnage héroïque
De Chalonge (2002) note que « [l]e héros est le personnage dont la reconnaissance
procède à la fois d’une définition fonctionnelle – il est le personnage principal, souvent
éponyme de l’œuvre – et d’une caractérisation axiologique – il est celui qui porte
(comme l’éponyme hérault), défend ou remet en cause les valeurs dominantes de la
société » (p. 273).
Historiquement, c’est vers 2650 avant J.-C. qu’apparaît Gilgamesh, roi qui a régné sur
la puissante cité d’Uruk, en Mésopotamie. Ce premier héros de l’humanité a la force, le
courage, la beauté, mais il lui manque l’immortalité. En lui, écrit-on, deux tiers sont
divins et un tiers humain. Chez les Grecs, on donne au chef militaire valeureux le
nom de hêrôs, puis le mot a été attribué pour désigner les chefs militaires
de la Guerre de Troie. Dans le récit homérique, l’Iliade, Achille bien que le
meilleur des guerriers sera détrôné par Ulysse, fort, beau et courageux, son
« successeur ». Pour triompher, le guerrier utilise davantage son intelligence que ses
armes.
Pour cette période,
le héros antique est un chef de guerre, remarquablement fort et courageux ;
c’est un rassembleur, un mobilisateur de troupes (à l’appel du héros, tout le
monde se lève et le suit avec enthousiasme) : ce personnage hors du commun
abandonne tout (femme et enfants, lorsqu’il en a) pour accomplir son destin
exceptionnel. Même entouré de ses compagnons, le héros reste un solitaire,
justement parce qu’il est un être différent (Virgule, p. 22).