la terre, le village, la ville, la région, la patrie. Il a rappelé qu’en anglais, à la différence de ce
qui se passe dans d’autres langues, les mots « Home » et « House » ne se confondent pas, le
second désignant un espace clos et précisément délimité, ce que le premier n’est pas.
On vient tous de quelque part et ce quelque part nous a façonnés. Nous sommes
marqués par les lieux, les paysages que nous avons traversés. Ils ont contribué
à la formation de notre personnalité. De sorte qu’il est difficile d’envisager
un moi dissocié de l’environnement dans lequel il a baigné. À la suite de
Bachelard1
BACHELARD, G. (1998). La Poétique de l’espace. Paris, Presses Universitaires de France, 7e
édition.
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,
il est d’usage d’établir un parallèle entre la dialectique du dedans et du dehors et celle
du moi et du non-moi. Porteous : « Le Home est donc un point majeur de
référence fixe pour la structuration de la réalité. A cause de cette fonction
de point de référence archétypal , il a été suggéré que de même que le moi
et le non-moi semblent être des divisions de base de l’espace psychique, de
même la dichotomie de l’espace géographique se situe entre le Home et le
non-Home » 2
PORTEOUS, J.D. (1976). « Home : The Territorial Core », Geographical Review,
66, (4), Octobre, p. 386. Voir aussi La Poétique de l’espace de G. Bachelard, op. cit.
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.
Depuis Carl Jung 3
JUNG, C. (1973). « Ma vie » : souvenirs, rêves et pensées, Paris, Gallimard, nouvelle édition
revue et augmentée.
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,
il est convenu de voir dans le « Home » un symbole universel et archétypal du
Moi, une représentation de la psyché et de son développement. Or, la critique
anglo-saxonne a fait du « Home » le thème dominant qui permettait de dégager la
spécificité de la littérature enfantine. Mais, la littérature enfantine n’est aujourd’hui
qu’un pan de la littérature de jeunesse. Qu’en est-il alors des œuvres qu’on
destine aux adolescents, et plus particulièrement de ces romans, souvent à la
première personne, miroirs dans lesquels le jeune lecteur est invité à se reconnaître
pour construire son propre moi ? Va-t-on y retrouver la même thématique
organisée autour des mêmes représentations du « Home »? Et comment celles-ci
vont-elles interpréter et intégrer le narcissisme de ces récits où les narrateurs
ne sont absorbés que par eux-mêmes, là où semble se construire une identité
adolescente ?
I. Le « home » au cœur de la littérature de jeunesse
Lorsque Clausen Christopher4
CLAUSEN, C. (1982). « Home and Away in Children’s Fiction », Children’s Literature, 10,
p. 141–152.
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s’interroge sur ce qui constitue la spécificité d’un livre destiné aux enfants, il croit la
découvrir après avoir souligné tout ce qui sépare The Wind in the willows de Kenneth
Grahame de Huckleberry Finn de Mark Twain. Il y distingue en effet deux
représentations du « Home » : « Quand le Home est un espace privilégié exempt des
problèmes les plus sérieux de la vie et de la civilisation, quand le Home est l’endroit
où l’on devrait en général rester, nous avons probablement affaire à un livre
pour les enfants. Quand le Home est l’endroit principal qu’il faut fuir pour se
développer ou rester pur, alors on a affaire à une histoire pour adolescents ou
adultes » 5 .
Ce qui le conduit à affirmer que le roman |