Danielle Thaler, pour sa part, examine l’espace identitaire personnel, et plus précisément, le concept de home dans la littérature destinée aux adolescents des années 80 et 90. Ce terme anglais désigne beaucoup plus que le simple « chez soi ». À travers des romans pour adolescents écrits par des auteurs comme Michèle Marineau, Raymond Plante et Dominique Demers, l’auteure montre que le moi semble être l’incarnation ultime et centrifuge du home, cet espace habité, ce lieu d’une identité qui se forge. Loin de l’aventure et du danger, le héros se calfeutre dans un univers rétréci, comme emmuré. Tout se passe comme si l’oeuvre devait procurer à l’adolescent qui la lit un « confort émotionnel tolérable », pour reprendre les propos d’Anne Scott-McLeod au sujet du roman américain pour adolescents.

Quant à Lucie Guillemette, elle se penche sur l’espace identitaire féminin et compare dans ce but l’album de Carole Tremblay illustré par Dominique Jolin, Marie Baba et les quarante rameurs avec le conte des Mille et une Nuits, « Ali Baba et les quarante voleurs ». En plus des liens ludiques entre ces deux oeuvres, l’auteure y décèle un dialogue intertextuel. La chasse au trésor met en relief la singularité de la fillette, son sang-froid, sa ruse, sa vivacité d’esprit, ses aptitudes de leader. En cela, elle s’apparenterait à Morgiane dans Ali-Baba plutôt qu’à Ali-Baba lui-même. Lucie Guillemette découvre des traces post-modernes dans Marie Baba, notamment un discours féministe qui subvertit les clichés pour contrer la passivité et faire valoir les désirs de l’héroïne.

Claire le Brun, de son côté, analyse l’espace identitaire communautaire chez Sylvain Trudel. Qu’il s’agisse de la place du village ou de la ruelle montréalaise, l’espace décrit par Trudel pour les lecteurs enfants s’ouvre sur le monde. La nature y est prélude à des réflexions philosophiques et le village y apparaît comme une communauté de personnes solidaires. En ce qui concerne le foyer où habite le grand-père, la classe où étudie la petite fille, et la ruelle qui encadre des jardins en version multiethnique, ces lieux constituent autant d’espaces intermédiaires entre lieu public et lieu privé. Si la chambre joue le rôle de marqueur d’identité, la maison est souvent partagée avec les voisins, les invités. Dans l’ensemble des romans étudiés, le sens de la fête demeure très présent.

Enfin, Jean-Marc Gouanvic explore l’espace identitaire traduit, le wild, ce territoire du Grand-Nord, sillonné d’Indiens, de trappeurs, de chercheurs d’or et de chiens-loups. Les deux auteurs américains choisis le traitent de façon opposée : J. London profite du wild pour exprimer sa vision « naturaliste » du monde, tandis que J.O. Curwood prône des valeurs de respect de la faune, ayant troqué lui-même, de son propre aveu, le fusil de chasse pour l’appareil photo. Fait à déplorer, Ies traducteurs en français des romans de ces deux écrivains, destinés aux jeunes, laissent tomber des pans entiers du texte original. Enfin, comme les autres romans, les trilogies sont traduites dans le désordre et par des traducteurs différents, sans mention de la date de publication de l’original.

Quelles transformations l’analyse de la réécriture permet-elle de mettre en lumière quant aux espaces identitaires issus des contes et légendes ? Voilà la question qui oriente les auteurs de cette seconde partie de l’ouvrage.

Tout d’abord, Noëlle Sorin compare la Chasse-galerie d’Honoré Beaugrand avec quatre autres versions réécrites pour la jeunesse, respectivement par Marc Laberge, Bertrand Gauthier, Madeleine Chénard et Cécile Gagnon. Elle relie cette histoire