Quant à ses jeunes
personnages-narrateurs, ils se posent de nombreuses questions existentielles : les raisons
de leur venue sur terre, le temps qui passe, la mort, les limites de l’univers. Ils
mettent en scène une « enfance philosophe » (Le Brun, 2004). Mais l’une des
particularités les plus frappantes des romans de Trudel, quels que soient le personnage
principal et le point de vue narratif, est la définition de l’espace. Nous nous
proposons ici d’explorer « l’espace artistique » (Lotman, 1973, p. 309–323)
dessiné par ses romans, en observant les éléments signifiants des descriptions de
lieux1
Personnages et configurations spatialesLes personnages des romans et des nouvelles pour adultes de Trudel sont souvent de jeunes révoltés, en butte à un monde conformiste et donc hostile. À la publication du Souffle de l’harmattan, l’univers romanesque du nouvel auteur avait été comparé à celui de Réjean Ducharme (Chartrand, 2001). Zara, ou, La mer Noire (1993) raconte le noir parcours initiatique d’un jeune homme obsédé par le mal. Le roman le plus récent, Du mercure sous la langue, décrit les souffrances d’un adolescent se mourant d’un cancer. On retrouve dans les romans de Trudel, côté enfants et côté adultes, les mêmes images marquantes, mais sous un éclairage nettement différent2
À la lecture des petits romans parus aux éditions de La courte échelle à Montréal, on ne peut manquer de remarquer deux constantes : le souci de représenter un espace de vie habitable – auquel s’oppose parfois, représenté par de brèves notations, un espace inhabitable – et la dominance, dans ces espaces habitables, des lieux communautaires. Certains titres déjà annoncent ce programme : Le monde de Félix (1996), Le royaume de Bruno (1998), Des voisins qui inventent le monde (2000), Un secret dans mon jardin (2001). Aussi nos réflexions s’ordonneront-elles autour des notions d’espace privé, public, et semi-public ou semi-privé étudiées |