Avec les quatre œuvres de notre corpus, d’une part nous explorerons
comment vole la
chasse-galerie dans le ciel imaginaire du Québec, mais aussi
pourquoi. Ainsi, selon
Purkhardt (1992), les récits de chasse-galerie exploitent tous l’une ou l’autre des trois
finalités du vol magique : pour la vie, vers l’amour ou par la mort. Ceci détermine dès
lors trois grands types narratifs légendaires. Ainsi, la célèbre chasse-galerie imaginée par
Honoré Beaugrand propose un récit de vol magique « vers l’amour ». Cette chasse
galerie telle que publiée par Beaugrand en 1900 est une légende d’origine française
longtemps transmise par tradition orale. « Une histoire des plus optimistes
puisqu’elle loue la transgression et exalte la liberté » dira Purkhardt (1992,
p. 52).
D’autre part, nous montrerons que la réinterprétation pour la jeunesse de cette
légende prolifique la fait passer du récit légendaire proprement dit au conte
merveilleux (dans le sens de Simonsen, 1981) où subsistent certaines données
empruntées à la légende, mais où l’intention de l’auteur diffère ainsi que le rôle du
protagoniste.
L’idéal serait que chaque lecteur lise les quatre récits en question pour mieux orienter
sa réflexion dans ce parcours que nous proposons ici au sein des diverses interprétations
qui ont été faites de la chasse-galerie. Mais, soyons réalistes…
La symbolique du vol magique
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Nous empruntons ici l’expression de « vol magique » à Brigitte Purkhardt (1992), qui l’a
elle-même, de son propre aveu, empruntée à Mircea Éliade.
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Le vol magique, d’hier ou d’aujourd’hui, qu’il soit ailé ou botté, à
cheval, en char ou en canot, en tapis volant, en lac volant ou en soucoupe
volante2
Phébus, le Petit Poucet, Sindbâd.
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,
a toujours fasciné l’imaginaire populaire. Qui plus est, selon Purkhardt (1992, p. 49),
« que ce soit pour la vie, vers l’amour ou par la mort, les héros du
vol magique semblent
possédés par les mêmes forces et leurs périples volontiers se confondent dans la fiction
narrative de tous les peuples et de tous les temps ».
Au plan narratif, des circonstances fixes sont attachées au vol magique. En effet,
« dans les récits de chasse-galerie, le vol magique s’effectue presque toujours dans le
cadre d’un voyage dicté par des forces majeures » (Purkhardt, p. 68). Le voyage
suppose donc un éloignement préalable. Par ailleurs, « il implique aussi un but
intrinsèque que sous-tendent soit un interdit à vaincre, soit un désir ou un ordre à
réaliser. Il s’accomplit enfin de manière exceptionnelle, par voie aérienne et
grâce à un recours magique » (p. 68). On reconnaît là les trois premières
fonctions proppiennes : « L’éloignement. L’interdiction ou sa forme inversée
(l’ordre ou le besoin). Et la transgression ou sa contrepartie (l’ordre exécuté ou le
besoin satisfait) » (p. 68). Par contre, l’objet de la quête diffère, le motif pour
prendre le large, également. Par conséquent, si on table sur les particularités des
trois constantes que sont l’éloignement, l’interdiction et la transgression et si
on regroupe sous une même étiquette les textes dans lesquels ces constantes
présentent des attributs analogues, il est possible d’établir un véritable répertoire
narratif de la chasse-galerie. Nous retiendrons ici le classement de Purkhardt : le
vol magique pour la vie, le vol magique vers l’amour et le vol magique par la
mort.