2Le mardi gras est le dernier jour où les chrétiens pouvaient manger « gras », par rapport aux quarante jours suivants qui précédaient Pâques et commençaient par le mercredi des Cendres, début du Carême. Viande, vin et divertissements y étaient interdits. |
Ces trois textes comptent respectivement 1200 mots (CG), 1500 mots pour RS et 2800 pour PADG. Notons d’abord une différence majeure dans la structure du texte originel : L’étranger fait l’objet d’un récit dans le récit : le narrateur , un voyageur surpris par la nuit, demande l’hospitalité à un couple dont la jeune fille se prépare à aller au bal. Le père de celle-ci lui fait promettre de ne pas danser le mercredi des Cendres : « Tu sais ce qui est arrivé à Rose Latulipe », lui dit-il. Une fois la jeune personne partie avec son fiancé, le voyageur, intrigué, demande à son hôte ce qu’il a à craindre pour sa fille.
Si l’on enlève ce préambule explicatif qui constitue le tiers du récit de PADG, on observe un léger abrègement des deux textes contemporains. Qu’en est-il de la structure?
La grille des 31 fonctions du conte dégagées par Propp (1970) permet d’ effectuer le découpage suivant : 1) interdiction : l’Église, par la bouche du père, ne veut pas que l’on danse le mercredi des Cendres ; 2) rappel de l’interdiction ; 3) transgression à cause du diable ; 4) tromperie : le diable prend les traits d’un beau danseur pour s’approprier l’âme de Rose Latulipe ; 5) médiation : annonce faite au curé de la menace de méfait) ; 6) combat entre le diable et le curé ; 7) victoire de l’homme d’église qui sauve la jeune fille, auteure de la transgression ; 8) « noces » de Rose avec Dieu (couvent). Cependant, pour les deux versions les plus récentes, il faut remplacer les points 5 à 8 : aucune médiation, une « complicité involontaire », celle de Rose, qui est vaincue par le diable ; et le « méfait » qui s’ensuit (vieillissement irréversible).
Avant de poursuivre, la nécessité de quelques définitions s’impose. Pour Genette (1982), les réécritures ou transformations de n’importe quel récit relèvent, à leur façon, du « bricolage », de l’art de faire du neuf avec du vieux (p. 451). Cette vieille histoire édifiante de diable qui séduit et abandonne une jeune fille folle de danse, est-ce un mythe, une légende, un conte?