Fonctions identitaires de l’espace
en littérature pour la jeunesse
Johanne Prud’homme
Département de lettres et de communication sociale
Université du Québec à Trois-Rivières, Québec, Canada
Johanne.Prudhomme@uqtr.ca
Résumé
Dans une perspective sociohistorique, des études récentes font état de
l’importance de l’espace – « espace de rattachement local » couplé à
l’expérience du « lointain » (Jewsiewikcki et Létourneau, 1998) – comme
vecteur de la construction de l’identité sociale des jeunes. Sur le plan
psychologique, par ailleurs, situation dans l’espace et « entourage de
comportement » (Merleau-Ponty, 2001) sont au cœur des modalités de
construction de l’être et des relations avec autrui. Enfin, la géographie,
envisagée dans une perspective anthropologique, permet l’étude de
l’appropriation individuelle de l’espace social construit. À la lumière de
ces acquis disciplinaires, et tenant en compte le caractère intentionnel et
singulier de la littérature destinée à un jeune public, nous revisiterons
la poétique de l’espace romanesque afin d’étudier les particularités des
manifestations poétiques de l’espace dans l’œuvre pour la jeunesse.
« Où est le bonheur? Où se cache le bonheur dans cette ville? » (Gingras, 2003, p. 29)
Clara, l’héroïne née de la plume de l’auteure québécoise Charlotte Gingras, cherche son
piano, cette « boîte à bonheur » qui donne son titre au roman. Clara et sa famille
viennent d’emménager dans un petit appartement. L’incipit du roman – « Le piano est
parti » (Gingras, 2003, p. 7) – cristallise la désagrégation de la cellule familiale. La
disparition de l’instrument comme la quête qui s’ensuivra permettront à Clara de
dessiner la configuration tant de son environnement immédiat que de celui de l’espace du
lointain.
C’est décidé. Je veux retrouver notre piano et il n’y a pas cinquante-six
façons. Dans la bibliothèque, à côté du petit bouddha doré, je déniche la
carte de la ville, la déplie sur le tapis du salon. J’examine le plan.