subi des modifications majeures. Par exemple, le cor moderne à pistons n’a
été inventé qu’en 1815 (Baines, 1988, p. 517), c’est-à-dire trois ans après la
publication du premier recueil des frères Grimm. Le « cor » mentionné dans leurs
contes fait donc référence plutôt au cor de chasse, beaucoup plus petit et plus
simple que son pendant moderne. Cette « réécriture » zéro oblige le lecteur à
reconstruire le sens du mot d’après la connaissance actuelle qu’il possède de cet
instrument.
Commun aux deux recueils, le luth, pose un problème d’interprétation encore plus
grand. « Une multitude d’instruments différents, originaires d’Asie et d’Europe
orientale, sont appelés « luths » dans la littérature occidentale, car c’est le meilleur mot
qu’on ait trouvé pour les désigner » (Lowe et Baines, 1988, p. 57). Ainsi,
si le luth arabe, « célèbre dans la littérature comme l’instrument des MN
»(Ibid.) est assez clairement défini, il est beaucoup plus difficile de savoir
précisément quel est l’instrument cité dans les CG, car « [au] cours de sa longue
histoire, le luth a beaucoup changé. Nos connaissances auraient encore besoin
d’éclaircissements et d’importantes découvertes restent encore à faire » (Op cit.
p. 52).
Conclusion
Notre analyse comparative de la réécriture dans les CG et les MN et de l’importance
accordée à la musique dans chacun des recueils nous a permis quelques constats.
- Sur le plan général, nous avons observé a) des similitudes frappantes, notamment
entre leurs thématiques comme le mariage, la descendance ou la royauté, et entre leurs
trames narratives qui laissent soupçonner une origine commune ; b) des différences entre
leur structure : d’une part, les formules d’ouverture et de fermeture des CG qui stimulent
davantage l’imaginaire que celles des MN et, d’autre part, le morcellement des premiers
qui s’oppose à l’emboîtement caractéristique de l’organisation de la trame narrative des
seconds.
- Sur l’importance et le rôle accordés à la musique, nous avons dégagé quatre
constatations originales : a) la proportion des contes où il est fait mention de musique
est beaucoup plus grande dans les MN, mais l’importance de celle-ci est, en
revanche, deux fois plus élevée dans les CG ; b) le divertissement musical
s’avère la fonction la plus fréquemment évoquée dans les deux recueils, mais son
association au repas prédomine dans 35% des mentions des MN ; c) dans les
deux recueils, on recourt à la musique à des fins militaires, pour agrémenter
la marche ou pour faire des annonces solennelles ; d) les chants d’amour ou
de louanges jouent un rôle primordial seulement dans la trame narrative des
MN, alors que l’attribution d’un pouvoir magique à la musique caractérise les
CG.
- Sur le plan des modes de réécriture, le nom de certains instruments de musique a
subi tantôt une réécriture « adaptative », tantôt une réécriture « zéro ». Cette dernière
oblige le lecteur – à son insu – à reconstruire le sens des vocables de certains instruments
à partir de ses propres connaissances non seulement musicales, mais culturelles.
À cheval sur deux disciplines et sur deux cultures, une étude de cas comme la nôtre,
entraîne bon nombre de questions originales, et nous permet de dégager des pistes de
recherches ultérieures. 1) Il serait intéressant de comparer nos résultats avec ceux
présentés dans le colloque Musique du texte et de l’image, organisé par |